NICOLAS LAYEC
Rencontre exclusive
Il EST VRAI QUE TOUT EST ALLÉ TRÈS VITE DEPUIS SON ARRIVÉE, FIN 2021, AU SEIN DES ÉCURIES DE BRUNO ROCUET, ET NICOLAS APPARAÎT AUJOURD’HUI AUX YEUX DE TOUS COMME L’UN DES NOUVEAUX TALENTS À SUIVRE DE PRÈS…
À la demande de notre rédacteur en chef, nous avons pris la route de Saint-Helen, près de Dinan, pour aller à la rencontre de Nicolas, installé depuis plus de trois ans maintenant dans les écuries de Bruno Rocuet. Des échanges passionnants, en tête-à-tête avec le maitre des lieux, le temps d’un café, une rapide visite de cet endroit si inspirant, où tant d’histoires se sont écrites, avant d’observer le travail de quelques jeunes chevaux sur l’immense carrière. Puis un long déjeuner en compagnie de Nicolas et de sa compagne Estelle. Il nous parle de son parcours, de ses ambitions, et des rencontres déterminantes qui ont marqué son chemin, et lui ont permis de passer les étapes. Les parents de Nicolas, compétiteurs dans l’âme, lui ont avant tout inculqué l’amour du cheval, avec en toile de fond un principe fondamental : « Demander peu, et récompenser beaucoup ! ». Une philosophie gagnante, pour ce jeune homme, humble et discret, dont le parcours illumine la scène équestre, des terrains de jeunes chevaux jusqu’aux plus belles pistes internationales. Fidèle à ses racines et aux valeurs qui lui ont été transmises, à pied comme à cheval, Nicolas nous livre la façon dont il souhaite vivre son sport. Depuis son arrivée en Bretagne, et grâce à un parcours qui l’aura préparé à la rigueur légendaire de Bruno Rocuet, tout s’est accéléré pour ce talentueux cavalier qui force l’admiration et le respect de tous. Nicolas montre une fois encore que le succès ne tombe pas du ciel, mais qu’il se mérite et se construit, à force de travail, de persévérance, et avec la volonté de créer ses propres opportunités.
TRANSFORMER UNE PASSION EN MÉTIER
Tout commence lorsque les parents de Nicolas, originaires d’Angers, confient leur jument Feria A à Thierry Touzaint, qui la valorisera jusqu’en épreuves A1. Quand sonne l’heure de la retraite pour la fille d’Atanael, toute la famille déménage pour s’installer au sud du Loiret, à la Ferté-Saint-Aubin. Maithé et Hervé Layec sont fans de Galoubet A, alors stationné près de Blois, et l’élevage d’Orion se construit et grandit sur ces bases. Nicolas vit sa jeunesse insouciante et les premières heures de son adolescence entre ses études et ces moments privilégiés avec les poneys et les chevaux. Puis arrive la période des premiers concours amateurs, avec les produits de l’élevage familial, jusqu’à ses premiers titres : vainqueur du Grand Régional et du circuit Amateur Elite, avec Rêve d’Orion, un fils de Funchal de Semilly, qu’il a débourré et formé de A à Z. Avec son BTS en poche et une envie profonde de transformer sa passion en un véritable métier, Nicolas entre en stage d’un an chez Pierre Defrance, installé à quelques kilomètres seulement de chez eux, avant d’enchainer trois saisons chez Bernard Schotsmans, où il monte jusqu’à dix chevaux en concours, sous l’œil de Jean-Charles Gayat, chef d’écurie à l’époque, et qui forgera sa combativité. Il accumule les classements de 1,20 m à 1,35 m avec des chevaux de commerce. Mais intérieurement, une autre envie : comprendre, structurer, former… monter pour gagner ne lui suffit plus. Nicolas se rapproche une première fois de Bruno Rocuet, sans succès, et répond finalement à la demande de François Mathy, qui cherche alors un cavalier maison. Débute une période riche et formatrice, avec peu de concours mais des chevaux d’exception. Il accompagne le célèbre marchand partout et rencontre les meilleurs cavaliers internationaux. « C’est une période importante et très agréable de ma vie. François Mathy est tellement passionnant à écouter… il a un charisme incroyable ». Aux écuries, il apprend l’exigence du haut niveau, en observant attentivement Charlotte Bettendorf, dont le travail précis et réfléchi l’inspire profondément. « C’était beau, structuré, exactement l’idée que je me faisais du sport ». C’est précisément ce sport qui lui manque, et sa décision est prise, il ira à nouveau se confronter à la compétition.
S’INSPIRER DES HOMMES, D’UN LIEU
Nicolas n’a jamais lâché de vue son objectif : intégrer l’équipe de Bruno Rocuet. En 2021, après une saison passée à l’élevage de Riverland et apprenant que Corentin Derouet quittait les écuries pour s’installer à Deauville, il se rapproche à nouveau de Bruno, qui, après quelques essais, le met tout de suite en situation réelle. Quelques jours seulement après son arrivée, il l’engage dans une 1,50m à Pontivy, lui qui n’avait jamais sauté ces hauteurs de toute sa carrière ! Mais les juments confiées ont de la qualité et de l’expérience à ce niveau. Le week-end suivant, Nicolas est engagé dans la 1,50m du Grand National au Mans. Il se rappelle encore : « Je partais en n°23, le tour était vraiment difficile, et il n’y avait pas un seul sans-faute avant mon entrée en piste… j’avais une pression énorme, et encore beaucoup de doutes ». Avec Chesca de Kergane, il termine finalement 3è du Grand Prix Pro Élite ! Nicolas prend confiance, même s’il reste conscient de ses lacunes techniques et reconnaît monter encore beaucoup à l’instinct. Bruno Rocuet porte sur son cavalier un regard lucide : « Bien sûr Nicolas est courageux et travailleur, mais chez moi, tout le monde l’est ! Ce n’est pas une option quand on passe la porte de mes écuries. Mais il a aussi ce feeling incroyable avec les chevaux, et cette gentillesse constante avec tout le monde. Travailler avec lui au quotidien, avec cette évolution folle, c’est beaucoup de plaisir avant tout ». Nicolas a conscience que les écuries de Bruno Rocuet ne sont pas un lieu comme les autres : elles vibrent d’une énergie particulière, imprégnées d’histoires et de témoignages, au point de se sentir porté par quelque chose de plus grand. Et loin de rester figé sur ses belles performances, il souhaite plus que tout s’en nourrir, pour continuer à avancer…
ENTRER DANS LA LUMIÈRE
Chesca de Kergane, Best of Iscla, Fee de Cayan, Du Valon : tous ont gagné jusqu’en Grand-Prix 1,50m avec Corentin Derouet ou Margaux… sans oublier la phénoménale Bulgarie d’Engandou, qui revient tout juste de chez Kevin, elle qui a gagné jusqu’en GP CSI5* : Nicolas a tout de suite bénéficié d’un piquet de chevaux d’exception, mais parfois très sensibles, et c’est là l’une de ses grandes forces admet Bruno Rocuet : « Nicolas est d’une efficacité rare avec les chevaux, même les plus délicats. Il compose énormément avec eux, n’instaure jamais de rapport de force, et ses chevaux lui accordent rapidement une confiance sans faille. Il est très fin dans son équitation, et les quelques manques techniques sont compensés par le sentiment qui caractérise son approche des chevaux ». Nicolas passe une saison 2023 à enchaîner les classements et les victoires dans les beaux CSI, avec un plaisir jamais feint, lui qui pensait monter essentiellement des jeunes chevaux en arrivant chez Bruno. Le 5* lui semble inaccessible, et il pense encore que les coupes des nations sont réservées à des cavaliers plus forts que lui. Mais le premier stage fédéral auquel il participe, grâce à ses bons résultats, lui ouvre les portes de son premier CSI5*, quand une place se libère pour le Saut Hermès, à la suite du désistement de Pénélope Leprevost, qui vient de vendre son cheval de tête. Que pouvait-il penser, lui qui aurait déjà été très content de regarder ce Grand-Prix si convoité à la télévision ! Best Of et Bulgarie sortent de vacances, ils sont frais et prêts, et pas question de refuser une telle opportunité. A la reconnaissance du Grand Prix, Nicolas veut faire au mieux, mais avoue ne pas être le plus serein, en raison notamment de cette ligne, avec ce mur impressionnant avant les six foulées annoncées pour entrer dans le triple, oxer, vertical, oxer… Bulgarie était passée jument de tête dans son piquet, mais n’avait pas ressauté de 5* depuis son départ de chez Kevin.
J’AI VÉCU DES MOMENTS RARES
Au moment d’entrer en piste, Nicolas hésitais encore entre 6 ou 7 foulées dans cette ligne où même les meilleurs ne trouvaient pas la solution. Concentré, il saute le 1, le 2, le 3 … et tout de suite ressent des choses incroyables ! : « Bulgarie était avec moi, prête à me montrer ce qu’il fallait faire ! Je l’écoutais, elle m’écoutait, et cela semblait presque facile, y compris dans cette ligne tant redoutée. Une minute de pur plaisir… un instant suspendu !». Avec 4pts le plus rapide, le couple sera finalement 13è et classé dans leur premier Grand Prix 1,60m CSI5*. Avec les yeux qui brillent, Nicolas admet que c’est aujourd’hui encore l’un de ses plus beaux souvenirs, parce que c’est son premier 5*, parce que c’est le Saut Hermès, et parce que c’est Bulgarie aussi, cette jument de cœur qu’ils ont tant aimée et qui leur a tellement donné ! Et il y a aussi ce sentiment d’avoir été à la hauteur de la confiance qui lui avait été accordée, par l’entraineur Henk Nooren, par l’organisatrice Sylvie Robert, et par Bruno, qui dit oui à ce genre d’aventure, parce qu’il aime tellement son sport ! « Je crois que je ne les remercierai jamais assez, car quand on vit un week-end comme celui-là, il y a forcément un avant et un après. Tous ces gens qui vous félicitent, et les portes qui s’ouvrent, les sélections qui s’enchainent… ». Le couple se classera à nouveau quelques semaines plus tard à l’occasion du CSI5* de Fontainebleau, puis foulera les magnifiques pistes en herbe de La Baule et Dinard. 2024 sera également l’année des premières Coupes des Nations, une expérience marquée par un double sans-faute dans l’étape du circuit Longines EEF de Kronenberg, avant de réitérer lors du CSIO3* de Deauville : « Porter la veste de l’équipe de France, c’est encore une nouvelle expérience, qui induit une certaine pression bien sûr, mais qui procure avant tout une immense fierté ! ».